Ambiance Gay pride pour cette série du mois d’avril avec des portraits exclusivement pris lors de cet événement le 27. Série de photo à la sauvette dans ma sélection du mois.
▲ Manabu, 32, vendeur – Yoyogi
Pour la première fois, je découvrais le stand de Toot à la Rainbow pride. Je confirmai un peu plus tard avec Manabu afin d’être sûr que je ne l’avais pas manqué les années précédentes. Pour cette troisième année, cette marque de caleçons que j’aime tant avait donc décidé de participer. Elle avait même produit un boxer pour l’occasion, très arc-en-ciel. Cette présence confirmait aussi ce que j’avais imaginé en achetant le premier il y a plusieurs années, avec leurs couleurs vives et leur design particulier, le public principalement visé est la communauté gay.
Je commençais donc par discuter avec Manabu, j’achetai ce fameux numéro spécial avant de lui demander son portrait. En plus du caleçon, on avait le droit à un éventail qui affichait un code promotionnel, un sac spécial et le droit de lancer une roue qui crachait une boule de couleur qui désignait un type de cadeau. J’eus le droit à un carnet.
Pris dans l’ambiance de l’événement, Manabu accepta avec plaisir. Pourtant ce bonhomme costaud est assez timide et il n’était pas gagné qu’il eut accepté dans d’autres circonstances. Il souriait tout le temps et s’amusait de la situation. Il était même très content que je lui demande son portrait et sa modestie le faisait rougir de plaisir. Il attrapa des éventails supplémentaires afin d’assurer sa promotion et se donner une contenance. Placé au milieu de l’installation de la marque, il tournait le dos à la table devant laquelle les gens achetaient le sous-vêtement.
Manabu travaille chez Toot depuis 8 ans. Lorsque je lui parlais de ma collection, il rit et comprit que je ne racontais pas des histoires comme ces personnes qui prétendent connaître quelque chose. Je lui parlais surtout d’un modèle précis, mon favori, le bleu avec des coutures jaunes et le Adults only écrit sur les fesses, aussi en jaune et avec une excellente police de caractère. Manabu se souvint du modèle et s’en amusa. Je réalisai ainsi que la marque sortait des modèles chaque année et renouvelait ainsi sa collection.
Il était sur place depuis 9 heures le matin et y passait la journée. Il était ravi de rencontrer des clients plus spécifiques, proches de lui et non pas dans un magasin comme il en avait l’habitude.
Manabu vient de Tochigi.
▲ Yuko, 32, maquilleuse & manucure – Yoyogi
Pas très loin du stand de Toot, Yuko se tenait seule au milieu de la foule, à côté d’un arbre. Certes son tatouage attira mon regard mais le fait qu’elle ne semble pas pressée, qu’elle attende quelqu’un me poussa à lui demander son portrait. Elle accepta aussitôt.
Je remarquai très vite qu’elle avait l’habitude de poser à sa façon de se tourner vers l’objectif. Elle présentait clairement le tatouage de son bras, presque trop de profil, comme si ce n’était que cela qui m’intéressait. Sans doute lui avait-on demandé plus d’une fois une photographie de son bras gauche car il est vrai qu’une femme avec une décoration corporelle aussi couvrante ne court pas les rues, du moins pour moi. Du coup, lorsque je lui demandai de se mettre plus face à moi, cela lui fit plaisir tout en la gênant pendant quelques dixièmes de seconde, le temps qu’elle s’y fasse. Je me rendis compte très rapidement par la suite que cela ne l’avait pas embêtée, qu’elle n’était pas du genre à se prendre la tête, qu’elle savait s’adapter à toutes les situations.
Nous restâmes un certain à discuter, plus que je ne l’aurais cru. Il s’était créé une certaine intimité qui nous réunissait dans un intérêt commun. Jusqu’à ce que je lui demande si elle était homosexuelle, une certaine ambiguïté régna quand à notre présence à cette manifestation. Après tout, nous étions à la gay pride et les hétérosexuels étaient en minorité. Cependant, sa réponse à ma question ne leva que partiellement le doute. Certes, elle avait été mariée, elle avait divorcé mais elle ne m’annonça pas clairement qu’elle n’était pas lesbienne. J’en déduis qu’elle était bisexuelle. Son divorce lui ne faisait aucun doute : « J’ai été mariée ! » insista-t-elle. Non pas que les hommes ne l’intéressaient plus depuis son divorce mais que sans doute, elle était passée à autre chose et l’ambiguïté qui existait entre nous montrait qu’elle n’avait pas non plus renoncé.
Yuko attendait un ami qui travaillait pour un des stands qui se trouvaient juste à côté de nous, je ne sais plus lequel. Elle habite et travaille à Okayama et se trouvait à Tokyo pour voir des amis, pour quelques rendez-vous et pour la manifestation de la Rainbow pride. Je la félicitais d’avoir fait le déplacement pour cela et elle me félicita de connaître sa ville natale.
Nous parlâmes alors de jardins et parcs car j’avais visité le fameux Korakuen, un des trois plus beaux jardins du pays. Comme elle l’aimait aussi beaucoup ainsi que les jardins d’une manière générale, je lui expliquais ceux que je préférais à Tokyo pour voir si elle les connaissait. J’insistais lourdement sur Rikugien, mon favori. Je sortis mon téléphone pour lui montrer sur l’application de cartes où il se trouvait.
À son tour, Yuko sortit son téléphone pour me montrer ses photographies. Pour illustrer son travail, elle me présenta des clichés de mariages traditionnels dans Korakuen. En tant que maquilleuse, elle exerçait ses talents dans une entreprise d’organisation de mariages. Il y avait aussi plein de cerisiers et je l’ai félicitée sur la qualité de son cadrage. Elle était contente et me confia son intérêt pour la photographie.
J’ai croisé Yuko par la suite avec à chaque fois, un geste de sa part pour me signaler sa présence.
▲ Yoshiki, 46, prêtre – Yoyogi
Peut-être l’avais-je vu les années précédentes, peut-être non. Peut-être avais-je oublié. Toujours est-il que Yoshiki, comme moi venait depuis trois ans, depuis le début de l’événement.
Il fut néanmoins plus difficile de discuter avec lui qu’il ne le fut avec Manabu ou Yuko. L’homme semblait très occupé, entouré de son équipe, approché par de nombreuses personnes qui lui demandait d’être prises avec lui. Comme à mon habitude, j’attendais patiemment à ses côtés un moment pour lui parler, pour en savoir un peu plus mais je me suis rendu compte que nous n’avions pas grand chose à nous dire. Peut-être était-il préoccupé ou avait-il un programme à suivre, une intervention à faire.
Il me tendit la brochure de son église qui se trouve à Shinjuku. Il s’agit en fait d’une congrégation protestante qui accueille les homosexuels, les bisexuels et les transgenres. Il était présent pour la promotion du mariage homosexuel qu’il assure dans son temple tout en sachant qu’il n’est pas reconnu par les autorités au Japon.
Yoshiki vient de Kanazawa et habite à Tokyo depuis 25 ans. Il a étudié à Kobe. J’ai bien essayé de lui dire qu’il avait nommé deux de mes villes préférées du pays mais comme je l’ai dit plus haut, il n’était pas tellement disposé à en parler.
▲ Yuki & Hiroyuki, 32, salarié & vêtement – Yoyogi
Yuki était au téléphone. Elle téléphonait à Hiroyuki pour lui demander où il se trouvait, pour lui indiquer où elle se trouvait. J’attendais tranquillement à côté d’elle qu’elle décroche l’appareil de son oreille pour faire ma demande. Elle cria et leva les bras, dans toute son exubérance en apercevant Hiroyuki qu’elle avait repéré. J’avais donc les deux pour le même prix. Les deux d’un genre bien différent et pourtant tout aussi excentrique.
Yuki assurait les décisions et Hiroyuki pouffait de rire dans des exagérations maniérées. J’eus beaucoup de mal à les placer dans un endroit correct par rapport au soleil qui baignait l’endroit. J’eus préféré un emplacement plus agréable pour eux, pour moi, plus en adéquation avec leurs tenues mais nous n’avions pas le temps, ils couraient dans tous les sens pour je-ne-sais-quoi. Ils étaient amusants mais je n’ai pas eu suffisamment de temps pour les découvrir. Ils eurent tout de même le temps de me préciser qu’ils n’étaient pas un couple mais des amis.