Jour 10 – le 1er janvier 2014
Journée de traversée en voiture d’une partie du pays, de Louxor à Assouan en passant par le temple d’Horus à Edfou et celui de Sobek et Haroëris à Kom Ombo. Un peu avant Assouan, on entre dans la Nubie, une magnifique région d’Égypte.
Je continue à me lever tôt… Le départ à 7h est ordonné par Hussein pour la journée de route qui nous attend. Cette fois-ci, je demande à Morsine un panier-repas pour le petit-déjeuner car je n’ai pas envie de me réveiller trop tôt. Ce ne sont pas des vacances, c’est un entraînement militaire ! Je ne me suis pas levé aussi tôt de manière consécutive depuis… depuis… une éternité ! Je me réveille tout de même à 6h30 et comme d’habitude, je retrouve Mohamed avant de récupérer Hussein puis nous partons plein sud en direction d’Assouan.
Je découvre la campagne égyptienne avec ses maisons de plain-pied, ses arrêts de bus, ses points d’eau, ses magasins modestes, ses cafés, ses passages à niveau, ses contrôles routiers et ses très très nombreux dos d’ânes – plus efficace que les radars si on me demande mon avis.
Au début du voyage, je ne suis vraiment pas réveillé et le bercement – très relatif – de la voiture n’arrange pas les choses. Je décide de m’installer à l’arrière et écoute mes compagnons de route discuter en arabe. La langue n’est pas pour me déplaire et constitue un véritable défi de prononciation pour les « r » et les « h ». L’écriture, elle, me fascine.
Entre les pointes de vitesse à plus de 100km/h et les ralentissements dus aux multiples obstacles, je parviens à voir ce qui passe sous mes yeux. Les maisons sont très modestes et souvent en torchis. Rares sont celles avec un étage. Les arrêts du bus avec les passagers qui attendent m’intéressent et j’aimerais faire des portraits, ici, au milieu de nulle part. À plusieurs reprises, je distingue de longues jarres installées debout sur des étagères abritées et je m’enquiers auprès de mon guide pour découvrir de quoi il s’agit. Des points d’eau, tout simplement, des points de ravitaillement pour tous, à toutes fins utiles, réapprovisionnés par les voisins eux-mêmes. Un bel exemple de vie en communauté que j’essaie de capturer… Plus impressionnants sont les contrôles routiers, à plusieurs reprises. On a l’impression d’être dans un film ou une série télévisée avec les militaires armés qui demandent les papiers à Hussein et Mohamed et qui m’observent avant de nous autoriser à continuer.
La circulation me rappelle mes aventures au Vietnam, en Chine ou au Cambodge avec les acrobaties routières de certains qui doublent sans se soucier de ce qui arrive en face, les nids de poules et une poussière infernale ! Comme je commence l’année avec un bon rhume qui m’a fait coucher à 22h la veille, je mets un masque même dans l’habitacle. Les habitués assis devant moi ne sont pas gênés et les fenêtres sont ouvertes. Personnellement, je n’en peux plus. Je tombe sur des visages dubitatifs qui se demandent qui cet énergumène avec des lunettes de soleil et un masque chirurgical…
Nous arrivons à Edfou après 10 heures et c’est l’heure du falafel – autrement dit du petit déjeuner – pour les Égyptiens. Hussein m’explique qu’ils ne boivent qu’un café ou un thé au réveil et mangent vers 10h. Nous nous installons dans un café (?) juste en face de l’entrée du temple et apparemment, ils connaissent parfaitement l’endroit. Je me contente d’un thé.
Nous arrivons un peu après de nombreuses calèches installées sur la zone de stationnement et qui ont amené les passagers des bateaux qui descendent ou remontent le Nil. Hussein m’affirme qu’ils seront partis avant que nous sortions. Il connaît parfaitement l’organisation des circuits.
Je découvre un temple plus moderne que ce que j’ai vu jusqu’à présent et je note aussitôt la différence de style des bas-reliefs et hiéroglyphes. Plus travaillés, je les aime moins même si le lieu est impressionnant. Dédié à Horus, il contient plusieurs statues du dieu à tête de faucon et surtout la plus grande au monde en granit, clou de la grande cour. Elle est très impressionnante. Le passage entre les enceintes est la partie la plus intéressante. De nombreux passages et escaliers à l’intérieur des murs témoignent d’une architecture plus élaborée. Dans la salle hypostyle, les quatre chambres aux offrandes avec chacune une fonction différente sont passionnantes. En ce qui me concerne, je m’exalte pour celle des parfums. Tout d’abord pour mon rapport aux essences mais ici, dans cette salle même, mon intérêt pour l’Égypte prend une tout autre dimension. Hussein me fait d’abord remarquer qu’il n’y a que des hiéroglyphes et pas de bas-reliefs de pharaons ou de rois. Nous sommes donc en présence de textes que je ne peux malheureusement pas lire. Hussein oui. Sur ces murs sombres sont écrits des quantités, des ingrédients, des durées… j’ai devant moi des recettes pour fabriquer des parfums ! Des recettes de plus de 2000 ans comme ça, sous mes yeux. Je suis émerveillé. Véritable héritage olfactif d’une façon de préparer plusieurs fois millénaire.
Dans le sanctuaire, la barque d’Horus reconstituée par Mariette selon les proportions des bas-reliefs du temple et d’autres dans le pays constitue le centre d’intérêt du temple du dieu. Ceux qui le visitent en 10 minutes passent obligatoirement par là. D’ailleurs, quand je la découvre, Hussein me propose de repasser plus tard, quand ils seront partis, comme il me l’a déjà annoncé avant d’entrer. Nous terminerons par cette barque et je serai complètement seul à ce moment-là ! Le travail de Mariette est tout à fait intéressant car il donne une idée de ce qui était utilisé pendant les fêtes.
Comme je prends plusieurs photo de Sekhmet, nous rions avec Hussein pour désigner chacun notre « copine » parmi toutes ces personnalités : lui, c’est Hatchepsout, moi, c’est Sekhmet ! Bon, pour ma part, une femme avec une tête de félin – de lion exactement – difficile d’y résister.
De retour sur la route, un peu plus réveillé, je redécouvre le paysage : des champs assez grands parsemés de palmiers à droite, côté Nil et le désert complet de l’autre côté de la route. Un contraste étonnant de deux couleurs voisines, de vastes étendues d’un vert dense sur les flancs du fleuve et des collines de poussières jaunes qui marquent le début du désert. Je comprends encore plus l’importance du fleuve dans le pays. Par moment, la route s’éloigne du Nil et seul le désert nous entoure comme s’il avait effacé tout le reste.
Plus nous descendons vers le sud, plus les maisons m’attirent. Beaucoup sont peintes, notamment en bleu. Nous pénétrons en Nubie m’explique Hussein. Une Nubie relative puisque ces maisons ont été déplacées ici suite à la construction du barrage d’Assouan, la fierté de Nasser et financé par les Soviétiques. Rien de moins que 60.000 personnes ont été relogées, sans parler des temples antiques qui ont dû être élevés car menacés eux-aussi par la montée des eaux. Quand l’homme va contre la nature…
Nous nous arrêtons à un passage à niveau et je descends aussitôt de la voiture pour aller voir le train. Nous attendons un bon quart d’heure avant de le voir arriver. 15 minutes que je ne vois pas passer à m’émerveiller devant des paysans qui font leur livraison en charrette tirée par un âne, le monstrueux convoi de trucks militaires qui insultent la modeste campagne qui les entoure tellement ils sont rutilants. Construits aux États-Unis, on se dit que chaque voiture coûte plusieurs maisons autour de nous. Cela fait mal au cœur de voir tout cet argent investi là-dedans plutôt que dans l’urbanisme, la justice ou en premier lieu l’éducation… Puis vient le train, annoncé par le chef du passage à niveau qui se signale au conducteur avec des drapeaux. Les rames tirées par une locomotive colossale défilent pendant de longues minutes. Il s’agit d’un convoi de marchandises et il est assez long.
Nous arrivons enfin à Kom Ombo, la seconde visite du jour : le temple de Sobek et Haroëris. Contrairement au premier, il n’y a personne ! Je suis seul pendant un bon moment avant de voir arriver un couple. De même facture qu’à Edfou, il est tout de même moins impressionnant car très abimé. Beaucoup de toits manquent. Étonnamment, il conserve plus de traces de couleurs. La particularité de Kom Ombo est d’être le seul temple dédié à deux divinités – il est construit de manière complètement symétrique avec une entrée pour Horus à gauche et une entrée pour Sobek, le dieu crocodile.
Un des clous de l’endroit est ce bas-relief d’accouchement. On y voit une femme assise et son bébé, tête en bas qui sort entre ses jambes. À l’époque donc, les femmes se mettaient assises pour accoucher ! Tout comme celui d’Horus, il renferme plein d’histoires et de récits qui ont permis aux historiens de comprendre comment se déroulaient les rites. Je commence cependant à pester contre les coptes qui ont occupé tous ces temples au début de la Chrétienté et qui ont quasiment détruit systématiquement les représentations humaines des divinités. On peut toujours cracher sur les fanatiques islamistes qui détruisent les sanctuaires au XXIe siècle, la Chrétienté n’en a pas moins à se reprocher, là-dessus aussi ! Le nilomètre est très impressionnant. Si à l’époque on ne construisait pas de barrages démesurés, on anticipait les crues du fleuve, le calendrier avec ce puits qui donnait une idée du niveau de l’eau.
Le crocodile, cet animal sacré à cet endroit était d’ailleurs utilisé par le grand prêtre. Plusieurs ont été momifiés et mis dans des sarcophages. La visite se termine par le musée du crocodile (!) où on peut en voir un bon nombre. Original !
En sortant, nous tombons sur un groupe qui célèbre un mariage. Je me délecte de ce nouveau hasard – après le passage du train – car je suis en contact direct avec des gens du coin. Je me mets au milieu du chemin avec mon appareil photo et filme les participants qui passent tous devant moi. Tout le monde chante, danse en frappant dans ses mains.
Nous arrivons à Assouan peu de temps après et je me sépare de mes compagnons devant mon palace : le Old cataract. L’endroit est absolument grandiose et sublime. Lieu de villégiature de personnalités, il a accueilli du beau monde. Sur les murs, des portraits de toutes les personnalités imaginables de Dalida à François Mitterrand en passant par Jean-Paul Belmondo ou Omar Sharif. J’ai le droit de visiter les suites de Winston Churchill puis celle d’Agatha Christie avec Amira de l’accueil qui est adorable. Nous parlons en anglais et en espagnol qu’elle souhaite pratiquer. Le service est parfait et tout est beau : le hall, les deux piscines, le jardin… – je m’y sens très bien tout de suite entre le cocktail de bienvenue, les fruits dans la chambre, le chocolat chaud et les produits Hermès pour se laver dans la salle de bains ! Coup de folie de ce séjour, je change totalement de monde.
En début de soirée, je sors pour découvrir la ville. Aussitôt, il me semble que les prix sont élevés. Le centre n’est pas si loin et seulement 5 minutes sont nécessaires pour y parvenir. En face de la gare, je trouve les gens lourds, agressifs. Peu de temps après, je tombe sur deux cons qui me font vraiment chier et essaie de me faire les poches. Au bout de plusieurs minutes de poursuite, ils parviennent à me piquer 50LE qu’ils prétendent ne pas avoir après que je les ai poursuivis dans la rue. Le stress et le choc sont à leur comble ! De plus, c’est une première pour moi, jamais je n’ai été victime de voleur à la tire… C’est officiel, je n’aime pas cette ville qui me rappelle le choc entre le nord et le sud de la Thaïlande, entre Chiang Mai et Phuket où les locaux sont plus agressifs de manière proportionnelle à la quantité de touristes. Deux hommes que j’ai vus à en me promenant me proposent de m’emmener à la police, un conducteur de calèche aussi. Je perds mon temps à me rendre à la police touristique et j’attends 30min qu’un soit disant responsable m’adresse la parole 10 secondes pour me demander ce que je fais ici avant de retourner à ses deux téléphones et son poste de radio « cb ». Je suis démoralisé et je pars en disant que tout cela ne sert à rien. Abasourdi et sous le choc, j’erre dans la rue et le papy à la calèche me reconnaît et essaie de me remonter le moral comme il peut. Il me propose de me promener (non sans être payé…) et de m’emmener à la pâtisserie Ismou E que je cherchais au moment du larcin. Je rencontre le caissier qui parle parfaitement français car ancien enseignant de ma langue. Lui aussi me remonte le moral en me disant que ce genre d’événement est pourtant rare, qu’Assouan est une ville très agréable et les gens très gentils… Mouais… J’en profite pour lui demander s’il connaît quelqu’un qui pourrait m’emmener aux temples de Philæ et de Kalabsha le jour suivant. Il téléphone pendant que je fais le tour du magasin – agrippé à mon sac – et que j’achète ces gâteaux que j’adore et que je déguste tous les soirs depuis que je suis arrivé en Égypte ! Il me donne rendez-vous avec un ami à lui devant mon hôtel. Le papy à la calèche qui m’attend devant la pâtisserie me propose de me mettre devant à côté de lui et non dans la calèche. Il me prend dans ses bras et m’embrasse en s’excusant moult fois de ce qui m’est arrivé. Il parvient à me redonner le sourire et je l’en remercie. L’accueil de l’hôtel me propose d’aller à la police mais je n’ai pas le courage. Je monte me coucher pour me remettre de mes émotions.
Bonnes adresses :
Old Cataract – hôtel 5 étoiles – Assouan
Ismou E – pâtisserie – Assouan
Liens intéressants :
La ville d’Assouan sur le site de l’office du tourisme.
Passion égyptienne pour le temple d’Horus et celui de Sobek et Haroëris.
Galerie
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Plus de bleu apparemment sur les murs, les fenêtres, les volets et les portes…les tissus même, on a l’impression de s’approcher d’un Orient plus profond.
Amusant de voir les « suites » de ces personnalités qui ont séjourné dans le palace.
Et les momies de crocodiles, c’est inattendu et plutôt drôle en fait!
Encore un beau chapitre à ton aventure, merci de me faire découvrir cela!