Quatrième jour
La matinée est longue. On se réveille tard, on traîne… il y a comme un air de vacances. La météo est brumeuse et les orages sont annoncés pour demain. Que faire quand on est coincé dans son hôtel? On verra demain mais cela n’est vraiment pas motivant. Nous finissons par sortir, il est plus de midi.
Dehors, une barrière cotonneuse nous attend. Les immeubles de l’île sont invisibles et la luminosité est très particulière, diffuse. Nous sommes samedi. Les gens ne travaillent pas et se promènent. Nous pouvons le constater facilement. C’est aussi la journée des mariages. En bas de l’hôtel, une chapelle tout aussi ridicule que kitsch attend ses convives. Le même soir à l’hôtel, il y a deux réceptions et le gens se préparent dans le hall.
Je ne souhaite pas renouveler l’expérience souterraine de la veille au soir aussi opté-je pour le bus pour nous rendre au nord de Kowloon, et descendre à la station Yau Ma Tei. La journée est placée sous le thème des marchés. Au nord du marché de jade – visité deux jours plus tôt – se trouvent le ladies market, le sport goods, le electronic goods, le gold fish market, le Fa Yuen street market, le flower market et enfin le bird garden! La balade commence sur le côté gauche de Nathan road avec Portland street ou Shanghai street. Nous retrouvons le quartier des réparateurs et des métallurgistes. J’aime ce coin vieillot au panneaux rouillés et usés par le temps. L’endroit est très populaire.
Mon reflex se retrouve sans batterie sans que je comprenne pourquoi. Je vais devoir transporter ce poids de trois kilos toute la journée sans pouvoir l’utiliser. Qui a dit que Sisyphe était une légende?…
[Ce n’est qu’à mon retour à Tokyo que je vais réaliser que la chute du premier jour lui aura été fatale. Dans le Sun Yat, au bout de la baquette sur laquelle je m’assieds se trouve un trou sans qu’on puisse imaginer une seule seconde qu’il soit là. Il est pourtant bien là et le boîtier – monté de l’objectif – pèse dans les trois kilos. Il tombe sur le coin supérieur gauche, déformant la coque et enfonçant le bouton du bracketing. Une réparation chez Nikon qui me coûtera plus de 20.000 yens (plus de 150€) et qui me ruinera ma journée. Toujours sous tension, la batterie se vidait sans même l’utiliser… soyons positif, si cela avait été l’objectif, j’en aurais eu pour une note 5 fois supérieure…]
J’ai certes le Panasonic mais je ne peux ni faire tout ce que je veux avec, ni m’amuser comme je le souhaite. Je râle.
Nous nous arrêtons dans une boulangerie bien locale pour goûter des petits pains fourrés délicieux. (Le pain est une des spécialités de la région.) Le nom de l’endroit nous fait sourire: Dragon Ball baker. En continuant vers le nord, d’un coup, on se retrouve nez à nez avec l’énorme bâtiment trop neuf, trop propre, trop moche du Langham Place qui déboule sans prévenir. Nous l’évitons en tournant dans Shantung street et Christelle aperçoit un restaurant de dim sum de Shanghai. La dame est conquise par cette cuisine, ce qui est un bonheur pour moi eu égard à ma passion pour cette nourriture. Nous commandons donc les fameux pains vapeur, des pains fris et des wonton au poulet. On se régale. Nous n’avons pas encore mangé de bouchées vapeur et nous ne les avons pas vues sur le menu. Or, après avoir fini, la table d’à côté – qui vient de se remplir – se voit apporter ces fameuses bouchées. J’appelle une femme en costume qui semble être une responsable. Comme je lui parle en anglais, elle appelle un serveur assez jeune qui doit mieux parler qu’elle. Trop poli, je commence par un May I ask you a favor? que je dois répéter trois fois sans qu’il comprenne. Que je me le dise: demander de demander quelque chose complique considérablement la conversation si l’interlocuteur est un angliciste de niveau moyen… En désignant le plat de la table voisine, je me rabats sur la question principale: What is the name of this dish? Grande discussion dans tous les sens avec la responsable, le serveur qui me parle sans que je ne comprenne rien, tout le monde nous regarde au fur et à mesure que les voix montent, je continue de dire this dish… what is the name? Il souffle un vent de panique alors que je pensais poser une question simple. Aberration ultime de ma part, j’ai demandé de l’écrire sur mon carnet afin de pouvoir le montrer au prochain restaurant où je me rendrai pour faciliter la commande… La discussion reprend de plus belle! J’entends la responsable prononcer un mot très proche de celui en japonais pour désigner le même plat. Mon visage s’illumine Yes, yes, this! La discussion entre les deux, la table voisine repart. Mais que quoi peuvent-ils bien parler? Je suis perdu… Je croyais avoir demandé quelque chose d’aisé, je me retrouve sous un orage de tension électrique. La femme de la table voisine finit par dire quelque chose et s’adresse à moi pour me dire:
– They don’t know how to spell…
– But I want it in Chinese!
Explications. La responsable a entretemps interpelé le manager qui finit par prendre mon critérium pour écrire deux caractères chinois. Je lui demande de les prononcer et cela ne ressemble en rien à ce que je connais. Je regarde la voisine qui me désigne le plat rond en bambou qui sert à faire cuire à la vapeur. Je suis désespéré. I am talking about the food, what you are eating! Elle prononce le mot que je connais. Je me lève vers elle, lui tends mon carnet et mon critérium et elle finit par écrire les caractères qui effectivement correspondent à ceux que je connais. Cela a pris dix bonnes minutes et fut épuisant!
Tout de même rassasiés, nous quittons les lieux et arrivons juste sur Nathan road qui est impossible à traverser sur cette portion: pas de passage piéton, pas de passerelle et une rambarde au milieu, entre les voies, pour empêcher les téméraires. Heureusement, le passage d’accès au métro permet de traverser. Nous sommes à la station Mong Kok et désormais à l’est de Nathan road, au niveau de Sai Yeung street. Nouveau choc de la journée: la foule. Nous nous retrouvons au beau milieu de la faune locale. Je suis ravi de côtoyer la densité humaine et je me sens revivre. Cette rue est celle des magasins d’électronique. Si les magasins n’ont aucun charme (mais des tarifs intéressants), je dévore les habitants des yeux. Nous sommes samedi.
La rue parallèle déploie le ladies market avec ses étals extérieurs. Peu d’intérêt car un tantinet touristique. La foule est encore plus dense en raison de l’étroitesse du passage. Un peu plus au nord, le carrefour d’Argyle street et Tung Choi street est la scène d’un ballet de piétons, de véhicules et des bus qui frôlent les passants tout proches de l’asphalte. Les statistiques prennent vie. Mong Kok a la plus grande densité humaine au monde selon le Guinness de 2007: plus de 130.000 habitants au kilomètre-carré. Je suis surexcité d’être là!
Mong Kok road marque le début du Gold fish market. Les poissons rouges (entre autres) dansent dans leurs aquariums et j’ai une grande pensée pour Mika Ninagawa. Les Chinois considèrent les poissons rouges comme capables de chasser la malchance et les mauvais esprits. Certains ont des protubérances qui prêtent à sourire. Leurs couleurs sont magnifiques. À l’est et parallèle, se trouve Fa Yuen street dont le marché est d’une grande diversité: fruits, vêtements, pharmacies, épiceries, pâtisseries… L’allée centrale est moins intéressante que celles sur les côtés qui donnent sur les rez-de-chaussée des immeubles. Beaucoup de vêtements de mode pour une clientèle jeune. Nous continuons nos expériences gastronomiques chez Ki Tsui cake shop où les autochtones font la queue. Un peu après, dans une pharmacie, nous nous plantons pour observer la composition d’un mélange de plantes digne de l’ancestrale médecine chinoise. Nous sommes pantois devant les ingrédients dont nous ignorons absolument tout, jusqu’à l’absorption du mélange complet: en infusion?
Prince Edward road est devant nous. Nous sommes bien au nord de Kowloon, à la limite de la rue qui démarque la péninsule des nouveaux territoires. Le Flower market envoie des signes de l’autre côté de la voie avec ses premiers magasins de la rue qui porte le nom de ce marché. Toute une série de fleuristes collés les uns aux autres avec quelques intrus qui surgissent: un magasin de casques de moto (étonnant) ou encore de chaussures de sport ou de tailleurs pour uniformes d’écoliers (amusant). Il y a aussi deux boulangeries-pâtisseries très kitschs qui font des gâteaux en forme de pèche, de ballon ou de cochon appelés Lovely pig ou encore qui habillent des Barbies. J’ai cherché dans la vitrine et à l’intérieur, il n’y a que l’affiche dans la vitrine. Ça doit être sur commande…
Nous pénétrons enfin dans le dernier marché du jour: le bird market. Perruches, mainates et autres jolis volatiles chantent et jouent avec leurs propriétaires qui semblent sortir leur oiseau comme d’autres sortent leur chien. On y trouve aussi de quoi sustenter ses petits: criquets, vers, chenilles… le tout bien vivant, ça doit faire des vitamines. D’ailleurs, l’un des vendeurs nous fait une démonstration de découpage de pattes de criquets (toujours vivants) pour les mettre dans la cage de l’oiseau qui les regardent ramper (ils ne peuvent plus sauter…) avant de planter son bec dedans pour les achever et les engloutir!
Nous sommes éreintés! Nous redescendons vers Mong Kok pour trouver un café, un endroit où se poser. A l’angle d’Argyle street et Tung Choi, je lève les yeux et aperçois un espace moderne mais avec une grande baie vitrée qui donne directement sur le carrefour. Nous y fonçons. L’Orchard garden cafe est très tendance et blanc, les serveuses sont sympathiques et je discute avec l’une d’elle. Nous contemplons le carrefour du haut tout en sirotant nos boissons. On se repose.
La nuit tombe et quand nous sortons, la ville brille de mille feux. Nous nous dirigeons vers le bus pour rentrer. Il nous faut un bon moment avant d’arriver car la circulation est très importante mais cela ne nous importe peu. Nous dévorons la vue de ce deuxième étage roulant. Au New world center (centre commercial accolé à l’hôtel), je veux absolument savoir s’il y a un supermarché, lieu que j’adore visiter lors de mes voyages. La présence des produits japonais était déjà frappante mais avec les objets de la consommation courante, et plus particulièrement la nourriture, cela est presque choquant. 70% vient du Japon. Je trouve même mon alcool adoré: l’umeishu ou mes gâteaux adorés: les Pocky! On parvient tout de même à trouver des spécialités exotiques qui viennent pour les trois-quart de Taïwan! Bon…
Bien que nous soyons samedi soir, l’intensité visuelle, intellectuelle et pédestre des trois dernières journées a raison de nous. Je serais bien allé guincher mais le courage me manque d’autant plus qu’il faut aller sur l’île pour sortir. Je le regrette un peu mais plutôt que de tuer la journée suivante, je reste tranquillement dans la chambre, écrivant ce journal pendant que Christelle skype son mari de Tokyo (le mari, pas Christelle!)
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Voici la galerie de photos du 28 mars.
Il y n’a qu’un panorama.
11 images – 334kb.
Passez votre souris sur la droite de la photo et cliquez pour voir la suivante.
Encore une fois de bien jolies photos, dommage pour ton APN, mais j’arrive pas à comprendre comment on peut aimer la foule!!!
La foule, oui Momo, on en a eu plus qu’il n’en fallait ce jour-là… enfin moi parce que le Linou, il est comme un poisson (rouge à grosses joues haha) dans l’eau. J’avoue que cela m’a complètement vidée!! D’où une soirée plus que tranquille… vite douchée, vite couchée…
Mais vraiment un quartier très sympa, Mong Kok ; beaucoup plus intéressant de mon point de vue que Tsim Sha Tsui.
Ps : Linou furax à cause de son APN… euh se faire petite et ne pas se la ramener dans ces cas-là! Mais j’ai trouvé la parade : lui trouver un resto de dim sum… ça marche à tous les coups!!! 😉
J’adore la 4, très belle composition ! Le Café de Coral qui sort sur une pub a été un de mes fast-foods hongkongais préféré.
Dommage pour ton apn, mais comme tu le précises si bien, pense que tu as finalement eu de la chance que ce ne soit pas l’optique qui ait pris. 😉
Enfin enfin un sampan sur la baie!
Le carrefour d’Argyle street a des faux airs de Shibuya…
Bien sûr c’est différent de Tokyo mais on retrouve quand même des analogies entre HK et Tokyo…en tous cas avec des yeux européens…
Quelle galère l’appareil photo mon pauvre Linou ;o)!