Et oui, un seul portrait pour décembre… pas assez de temps, un voyage en Égypte à préparer et des portraits au pays des pharaons donc…
▲ Ryo – 37, réalisateur – Shinjuku
C’était un dimanche, un de ces dimanches où la rue Shinjuku est fermée à la circulation et où les gens traversent dans tous les sens, comme ils veulent, au gré de leurs envies, d’un côté ou de l’autre de cette large avenue commerçante. Avec son appareil à la main, Ryo marchait au milieu et suivait ses envies. C’est lui qui est venu me voir !
Je devais être en train de bidouiller mon téléphone pour caler un podcast de France Inter, Interception ou Sur les épaules de Darwin que j’écoute – entre autres – tout le temps, mon vélo appuyé sur ma fesse gauche quand j’ai entendu une voix derrière moi, celle d’un homme qui admirait mon appareil photographique, de la même marque que le sien. Me draguait-il ? Je ne le saurai jamais et je préfère laisser planer le doute… Toujours est-il que tout a commencé ainsi. Nos appareils dans les mains, nous commentions et admirions celui de l’autre… Ryo était très content du sien même « s’il commençait à dater un peu. » Il aimait le mien car on pouvait changer les objectifs. Je lui ai donc expliqué ceux qui étaient en ma possession en vantant leurs mérites. Il voulut savoir celui qui équipait le boîtier ce jour-là et me demandant pour quoi je l’utilisais.
Nous avons aussitôt parlé des clichés que nous prenions et je n’avais aucun problème à lui montrer ce qui était en mémoire. J’attendais qu’il fasse la même chose ensuite, ce qu’il fit. Sa première réaction fut de me dire qu’il ne travaillait qu’en noir et blanc. Il aimait les nuances de gris et voulait montrer une image de Tokyo lavée de ses couleurs. Je comprenais très bien. Il me fit donc voir des photographies de personnes, non pas des portraits mais des scènes de rues ainsi que des paysages urbains. Le style était plutôt contrasté mais je n’ai pas eu assez de temps pour me faire une réelle idée de son travail. Il me montrait cela assez rapidement, comme pour me dire qu’il avait un peu honte, que cela ne valait pas vraiment la peine.
Je remarquais au fur et à mesure de notre discussion que l’homme était plutôt timide et qu’il répondait plus à mes questions qu’il n’intervenait pour dire quelque chose. Je trouvais cela plutôt amusant dans la mesure où c’était lui qui m’avait abordé. D’autre clichés ont attiré mon regard et j’aurais aimé avoir plus de temps : du flamenco. Il aimait la danse et plus particulièrement la photographier. Une épreuve difficile car plutôt rythmée et qui nécessitait une très bonne connaissance des mouvements afin de saisir les courts instants de pause. Il me confirma par un mouvement de tête et une moue que cela était complexe, surtout en intérieur. Je désignais son appareil photographique actuelle avec de grands yeux et il comprit aussitôt. Ce n’était pas avec celui-ci qu’il essayait mais avec un vrai boîtier reflex, plus à même de gérer le mouvement, la mise au point et la sensibilité.
Quand Ryo m’annonça son travail, je fus moins surpris de ses explications – même succinctes – sur la lumière ou la sensibilité. Il travaille comme réalisateur sur support vidéo. S’il ne m’a pas précisé avec quelle chaîne de télévision il était sous contrat, il m’a tout de même dit qu’il faisait des émissions musicales ou des émissions de détente qu’on appelle お笑い (owaraï).
Pour son portrait, à la fin de la discussion, il m’a demandé s’il pouvait mettre son appareil photographique devant lui, ce que je l’ai encouragé à faire. Après tout, tout avait commencé autour de cela.
Il repartit la tête en l’air, à la recherche du prochain cliché.