La nuit fut assez merdique pour la bonne raison qu’il y avait plein de moustiques et que l’idée de me faire piquer en pleine campagne cambodgienne me provoque des sueurs froides. J’ai pourtant bien mis un serpentin d’encens toute l’après-midi puis étalé sur ma peau du spray spécial tropique. Rien à faire, les parasites rodent… Je dors donc tant bien que mal en me réveillant une bonne douzaine de fois, me réfugiant à nouveau sous le drap comme protection. J’ai aussi fait tourner la ventilation au-dessus du lit pour rendre la vie de ces suceurs impossible. On fait ce qu’on peut… Et puis l’endroit résonne terriblement. Tout cela fait que je me réveille à sept heures. Très bien, autant partir le plus tôt possible pour arriver le plus tôt possible en avalant les cent cinquante kilomètres qui me restent.
Fidèle à la veille, la route continue assez semblable. A l’approche de Siem Reap toutefois, à une trentaine de kilomètres, c’est plutôt différent. L’effervescence est moindre qu’autour de la capitale. D’ailleurs, alors qu’il ne reste que trois kilomètres, j’ai l’impression d’être à la campagne alors qu’il faut parcourir beaucoup plus de distance pour sortir de Phnom Penh. Les cinq cents derniers mètres rattrapent presque tout! Un marché des deux côtés de la route génère une densité incroyable de piétons, vendeurs, deux roues, tuk-tuk, voitures et camions en tout genre! Ca doit être la ceinture d’astéroïdes qui protège le coeur du système. Un peu avant ce point, j’ai aperçu une route qui mène au complexe d’Angkor… je commence à sentir l’excitation monter.
Je sors ma carte et demande mon chemin pour aller à l’hôtel repéré dans le Routard: The villa Siem Reap qui – quand je la vois me semble charmant – est malheureusement complet. Déception. J’aurais dû réserver car il est vrai que nous sommes à la haute saison. Je me dirige donc vers l’hôtel conseillé par l’homme de la réception de l’hôtel de Phnom Penh (voir la veille), un peu plus au sud. L’endroit est correct mais sans charme. Comme je reste une semaine, j’essaie de négocier une réduction. Difficile. Je fais mine de partir (descends les trois étages avec toutes mes bagages) et ils acceptent une réduction au moment ou j’enjambe la moto.
Je me pose et n’y tenant plus, repars aussitôt! Il est déjà onze heures et me dis qu’il est déjà trop tard pour aller à Angkor Wat, qu’il va y avoir trop de monde. Histoire de ne pas faire comme tout le monde (comme d’habitude…) je décide d’aller voir un temple assez loin, à presque quarante kilomètres (Angkor Wat n’est qu’à huit kilomètres) du centre qui s’appelle Banteay Srei.
Je repars donc pour prendre la route qui j’ai repéré en arrivant. Du centre, il y a aussi une route mais qui me paraît plus longue pour aller à Banteay Srei. Comme je passe devant un checkpoint, je m’arrête pour demander mon chemin.
– Banteay Srei, c’est par là ?
– Oui, tournez à droite puis à gauche. Suivez Pradak.
– Ok merci. Ah oui, pour le billet, je fais comment?
– Vous n’avez pas de billet?
– Ben pas encore. Je voudrais acheter un forfait d’une semaine.
– Une semaine?!
– Ben quoi?
– C’est beaucoup.
– C’est grand.
– Oui…
– Bon, je peux acheter ça ici?
– Ah non! il faut aller au checkpoint central.
C’est celui qui est sur la route que je n’ai pas voulue prendre… pas comme tout le monde, ça ne manque pas! Je n’ai pas besoin de faire le chemin inverse cependant, je peux rejoindre l’endroit en continuant sur la gauche. Je dois contourner Angkor Wat et son immense bassin. Je ne peux pas le voir mais je distingue au loin sa tour principale qui me fait échapper un cri de joie. Le mur d’enceinte, de l’autre côté de bassin s’impose aussi…
Arrivé au comptoir, je donne soixante dollars 😯 , souris à la caméra et me retrouve avec un forfait plastifier qui immortalise une coupe de cheveux sauvage en raison de la moto. Rires avec la guichetière.
J’ai mon sceau pour partir à l’assaut!
Je me retrouve un peu après sur une route qui n’est pas sans me rappeler celle de la veille et avant-veille entre Phnom Penh et Siem Reap. Je traverse des villages! Il y a des villages et des habitants au milieu de ce complexe mythique… c’est hallucinant! 😯 Je découvre qu’en fait, les temples sont assez délimités et éparpillés. Les villages ne sont donc pas dans les ruines mais entre un point et un autre.
Banteay Srei est célèbre aussi en raison du vol du bas-relief par Malraux en 1923. Les couleurs des pierres de cette citadelle des femmes sont magnifiques. Les colonnes, les frontons des portes sont superbement gravés. Je découvre cette multitudes de portes qui se succèdent enfin! Ces cadres dans les cadres. L’enceinte est très belle et impose la contemplation.
Sur la route pour aller à Banteay Srei, j’ai contourné un sublime ensemble assez haut, au coin d’une route. Je souhaite absolument y aller en revenant. Je découvre en y entrant qu’il s’agit de Pre Rup dédié à Çiva et datant du dixième siècle. L’édifice reste très haut malgré l’érosion et les siècles. Autour, en contrebas, la balade est imposante avec toutes ces galeries. Du haut, on a un panorama sur la végétation dense du complexe mais nous sommes trop loin pour distinguer Angkor Wat ou Bayon. Assis sur cet édifice millénaire, je m’imprègne de l’endroit…
Comme il n’est que quinze heures, j’ai envie d’en faire un autre dans le coin. Dans le Routard, je vois qu’ils recommandent Banteay Samré où je me rends. Il me faut en fait reprendre la route du premier temple du jour sur cinq kilomètres. On se gare à cinq cents mètres de l’entrée qui se fait via un chemin de terre battue rouge. J’aperçois sa tour centrale et me dis aussitôt que ça va être énorme! Il n’a rien à voir avec les deux précédents et il me semble bien plus khmer. Le premier (Banteay Srei) l’est aussi mais il est beaucoup plus abîmé (en raison de sa construction, c’est normal). Le second (Pre Rup) est hindouiste et donc différent. Celui-ci n’est pas sans me rappeler les temples de Thaïlande, notamment ceux de Sukkhotai. Banteay Samré date du douzième siècle et le sanctuaire à l’intérieur d’une double enceinte me saisit! Je me sens à Angkor pour la première fois. Je reste de longues minutes à contempler ce qui me paraît être le plus beau temple du jour. Il est dédié à Vishnou et Çiva. A l’arrière se trouve une terrasse splendide faisant face à une route imposante qui reliait les temples entre eux. Cela donne envie de se représenter le décor de l’époque, avec ses acteurs… un autre monde. Je repars enchanté.
Et encore une vidéo pour ceux qui veulent, très inspirée par Ron Fricke. Vous excuserez l’amateurisme complet de la réalisation…
[flashvideo filename= »video/Banteay_Samre.flv » /]
(Un grand merci à l’assistant pour m’avoir permis de monter cette petite vidéo)
La densité du marché de ce matin est deux fois plus importante. Je me fraye un passage avec difficulté et retourne à l’hôtel avec à nouveau un besoin frénétique de me doucher eu égard à la quantité de poussière récoltée encore ce jour.
Je ressors encore pour découvrir le Siem Reap by night. Il y a beaucoup (beaucoup!) de touristes. J’ai l’impression de rencontrer une majorité de Coréens, puis de Japonais et de Français. Suivent les autres Européens, les Indiens, les Chinois…
La ville m’apparaît comme une grosse bourgade de province. Absolument rien à voir avec Phnom Penh! Les dimensions sont plus humaines et les restaurants se battent pour attirer les visiteurs. Je passe rapidement au vieux marché car comme je suis là pour plusieurs jours, rien ne presse.
Distance parcourue: 252 kms
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Impressionant ! merci pour cette balade, mais je n’arrive pas à voir la vidéo
ok je l’ai vu la vidéo ! vraiment impressionant cette architecture, encore un endroit magique merci
Très chouette le « chien » dans la vidéo… on sent le gardien des lieux.
Ça respire la splendeur passée, le sentiment de marcher dans les traces de grands bâtisseurs infiniment plus sages et tout aussi compétant que nos architectes modernes.
Intéressant mais difficile d’avoir une idée globale tellement ça parait immense.
Merci Gil. Je rebondis sur ton « chien ». En fait, ce n’est pas un chien mais un « naga » un serpent… 😉
C’est un dieu protecteur qu’on trouve partout au Cambodge.
Merveilleux comme toujours ou plutôt mieux encore…
J’aimerai bien qu’on puissent en faire profiter nos potaches et pourquoi pas?
Petite précision de la baba de service : le « naga » c’est le serpent qui avec les géants et les démons réalisent le barrattage de l’océan, et « Garuda » c’est un oiseau qui souvent affronte le « naga ».
A bientôt la suite des plaisirs. Merci.
MF
Ouf… c’était juste mon commentaire… j’ai effacé lien que j’y avais mis.
Merci pour les précisions Marie-France… 😳
Je reconnais les deux premiers. Et j’adore le troisième. Que je n’ai pas vu.
Ludoli
SUPERBE!
Une conjugaison de talents: photographie, écriture, technique…
Certaines photos sont époustouflantes.
Je n’ai pas su ouvrir le « coucher de soleil ».