Retour aux temples!
Après le petit déjeuner, je prends la moto pour être sur place un peu avant 10 heures. (9h30? Je m’en fous, c’est les vacances!) Je me dirige vers un autre lieu mythique du complexe: Ta Phrom [ta prom]. Le temple est connu parce que la végétation y trône encore. Les conservateurs ont plus ou moins laissé la nature et surtout des arbres bien spécifiques qui ont poussé sur les pierres. On imagine un tantinet – ça devait être bien plus dense – ce que les chercheurs ont ressenti en découvrant l’endroit. Evidemment, cela donne une toute autre dimension à la visite de l’endroit. Les autres, par leur taille ou leur édifice imposent la grandeur. Ta Phrom: le mystère.
Malheureusement, le site est infesté de touristes! Des cars entiers déversent leur flot de visiteurs aux casquettes de couleurs ou autre petit chapeau reconnaissable. Le cauchemar touristique. Pour la première fois en trois jours de visite, je souffre de l’afflux touristique. Il n’y a rien à faire et tout est bien normal sur le site d’Angkor. Pourtant, cela tue l’ambiance et la magie du lieu avec cette déferlante incessante et compacte , accompagnée de cris, de voix hautes, de téléphones portables qui sonnent à tout bout de chant. Nous serions dans une église ou dans un temple « actif » que tout cela n’arriverait pas. Pourquoi cela est-il possible ici? 👿
Certes moins grand qu’Angkor Wat, il n’en est pas moins imposant! Je parviens à rester trois heures en me trouvant des chemins un peu à l’écart des sentiers battus – le mot est faible. Tout mon plaisir réside d’ailleurs là, dans ces sanctuaires. On peut se faufiler un peu partout, trouver une galerie et des portes où il n’y a personne ou presque. Le plaisir est immense. Je retrouve la sensation de l’avant-veille. Il faut se perdre dans le dédale d’allées, se retourner en chemin pour découvrir des tas de choses: passages, sculptures, linteaux, autels, salles… la découverte est sans fin!
Ta Phrom date du XIIe siècle. La monastère du roi Jayavarman VII abritait deux cent soixante divinités avec presque treize mille fidèles vivant sur soixante hectares! La vie était extrêmement riche.
Maintenant, les arbres poussent entre les pierres et disloquent les murs. Une fusion magique destructive… car inexorablement, la nature progresse…
Mais il y a décidément trop de monde! Est-ce parce que nous sommes dimanche? J’ai perdu toute notion des jours mais j’entends une montagne de chairs certifiée 100% USA prononcer « sunday ».
– Ah bon, nous sommes dimanche?… cela voudrait-il la peine que je revienne un jour de la semaine?…
De l’autre côté du temple, à l’est – je suis entré par l’ouest – les fesses posées sur une terrasse, un groupe de Taïwanais s’approche et s’éparpille. Une des filles vient à côté de moi et me demande:
– Can I take a picture with you?
– With me? J’ai les yeux grands ouverts, étonné.
– Yes, please.
– Euh… ok!
– Ok! lance-t-elle.
Tout le monde se regroupe autour de moi. J’ai cinq filles qui sourient avec moi.
– We think you’re cool!
Je souris, ravi. Ca fait drôlement plaisir. L’une d’elle me montre son appareil. Elle m’a pris en photo un peu plus tôt, alors que je shootais. Gonflée!
Elles repartent en me remerciant. [Mémo: aller à Taïwan! ]
Saturation touristique atteinte, je pars vers le deuxième temple: Ta Keo [ta kéo]. Il se trouve à l’est d’Angkor Thom, juste à côté. Je commence donc à avoir mes repères sur ces routes que j’empreinte tous les jours. Ta Keo est juste un peu plus loin, à moins de trois kilomètres. Un « temple montagne » qui me fait penser à Pre Rup (voir le 27 XII), visité le premier jour. Cependant, Ta Keo est bien plus sobre, à peine décoré ou sculpté car inachevé. Son originalité réside d’ailleurs dans cet inachèvement. Il date de la fin du Xe siècle et sa structure a influencé les autres temples angkoriens. Se retrouver tout en haut et s’asseoir pour se reposer, pour contempler la vue ou pour méditer est un régal. Peu de monde fréquente l’endroit, ce qui n’est pas pour me déplaire et permet de retrouver le calme propice à la visite de ces bâtiments. Mais l’endroit reste trop sobre.
Aujourd’hui, le soleil joue à cache-cache avec les nuages et il me faut parfois attendre assez longtemps pour retrouver la lumière qui m’intéresse. Cette lumière qui joue un rôle capital sur les pierres et les décorations.
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Je continue un peu, juste à côté pour découvrir Thommanon [tomanone] qui date du XIIe siècle et qui est dédié à Vishnou. Je suis étonné de découvrir un endroit très petit, comme un pavillon. Trois bâtiments alignés sont très bien sculptés et décorés. Tout de suite, il me plaît par ces proportions et aussi par sa beauté. Les pierres utilisées, vieillies par le temps changent de ton sur un même mur et avec une lumière ondoyante, la découverte ne cesse jamais. Là encore, j’y traîne de plaisir pour en profiter le plus longtemps en faisant plusieurs fois le tour.
Des tables sont préparées pour un repas, des éclairages sont posés un peu partout, une sono installée…
– Vous organisez un mariage?
– Non, non. Un dîner.
– Wow!
Qui peut bien se payer une soirée privée au pied d’un des temples d’Angkor? Ca donne envie d’essayer…
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Dernier temple de la journée devant lequel je suis déjà passé ce matin: Banteay Kdei, un monastère de la fin du XIIe siècle qui abritait des nonnes et des prètres. Les entrées se font par les portes surmontées de quatre têtes – comme Angkor Thom – mais qui représente ici le bodhisattva Avalokitesvara.
En son centre – encore un endroit vaste – une salle de danse. Sublime! Sur les colonnes, des apsaras, les danseuses sacrées. Le complexe est vraiment somptueux et représente mon coup de coeur du jour. Il y a pas mal de visiteurs mais sans comparaison avec ce matin. Le soleil me fait plutôt défaut… Finalement, le temps est assez nuageux et j’attends les éclaircies pour prendre ces colonnes, fenêtres, portes, danseuses, gardiens en photo. Vers 16h30, un énorme nuage couvre le ciel. Je n’aurai plus de lumière intéressante pour la journée puisque nous sommes à l’heure du coucher et que je ne vois pas la fin du nuage. Je suis d’ailleurs assez fatigué après plus de 6h30 de visite non-stop, sans pause, mais du bonheur plein les yeux.
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Distance parcourue: 35 kms
C’est magique.
Le trop-plein de touristes… On en oublie qu’on est nous-même touristes, surtout quand on s’efforce de se fondre dans la matière pour mieux en saisir l’essence et que là un troupeau braillard et irrespectueux (des lieux) arrive…
Tu as pourtant su saisir des trésors photographiques. Je suis toujours halluciné qu’une civilisation qui a construit de tels édifices dont on voit tellement les traces puis finalement on en connaît si peu sur eux. On se sent éphémères, et on comprend les termes « sanctuaire », couloirs, temps, passé, foi…
Dans la seconde partie où la nature reprend ses droits, même ce qui nous parraîtrait éternel est submergé écrasé par la force extraordinaire de la nature. C’est beau et en même tant presque paniquant. Sans vouloir de mauvaise comparaison, je retrouve les arbres ensorcelés de Harry Potter. L’homme passe quelques générations à façonner la pierre qui lui parrait immuable, et la force tranquille de l’arbre reprend sa suprémacie, lentement, quelques centimètres à l’échelle de notre vie, mais inexorablement à l’échelle du temps.
Et tant qu’il reste des vestiges des sculptures des anciens, quels trésors, quel ouvrage au sens noble du terme ! Quand je pense à nos immeuble rectilignes et froids et ces trucs « design » dont on est si fiers, ici tout est dessin, representation, art. Chaque sculpture vaudrait d’être protégée, préservée, chaque statue intacte est vivante, chaque pierre tombée, brisée est une témoignage vers le passé.
Curieusement l’une des images qui me touchent particulièrement est celle de la main (252), je la trouve très parlante, reposant sur cette jambe.
Nos voyages sont différents mais je suis tout autant fasciné par ces images que par celles que je découvre de mon coté de la planète !
Dis-donc, on te reconnaît bien là, au milieu de plein de nanas! ;o)
Photos superbes comme d’habitude! Malraux disait de Florence que la migraine vous gagnait tellement il y avait de merveilles, j’ai l’impression que cela doit être pareil à Angkor. Mais en parlant de Malraux, on pense aussi qu’il avait remporté avec lui un petit bout de temple d’Angkor justement! Hum. Personne n’est parfait.
J’adore ton voyage, j’adore comment tu as organisé les photos sur ton blog, tes panos sont superbes, tu fais comment ? j’ai l’impression qu’il y a trop de photos par pano? quel logiciel? Incroyable cette photo avec les fifilles 😉 les touristes sont là alors justement ca aide aussi pour trouver la photo, l’angle, enfin prendre encore plus sont temps, merci
J’ai enfin eu le temps de lire ces trois derniers jours, c’est toujours aussi passionnant. Sympa les vidéos et la musique sont vraiment en adéquation. 😉
Marchi tout le monde! 😀
Trop de photos Mo²? Tu as les références dans les panos. 😉 Je travaille avec Autopano pro.
Trop beau ! Comme d’habitude, je ne sais pas comment tu fais pour donner cette impression de facilité, de fluidité, d’accessibilité des lieux, de précision dans le détail et de lumière douce — alors qu’on sait sur place la chaleur, les insectes, la difficulté d’avoir une photo nette et sans horde de touristes… Bravo !
En revanche, je kiffe moins les panoramas.